A la redécouverte de la culture Harmonica en Pays Batave
Les Pays Bas se situent depuis longtemps dans le peloton de tête du développement de la culture harmonica, toutes spécialités confondues.
Le FESTIVAL 2010 de Veldhoven (*1) nous en a fait une fois de plus une brillante démonstration placée sous le signe de la diversité, célébrant en ce début mai les 25 ans d'existence de l'orchestre « Veldhovense Mondharmonika Vereniging » créé en 1985 par le regretté Peter Janssen. Evénement qui coïncidait à cette époque avec la naissance de la NOVAM (Organisation Néerlandaise de l'harmonica et de l'accordéon), heureuse fusion de deux instruments favorisée déjà au départ par la même origine étymologique batave : « Harmonika » pour l'un et « Mondharmonika » pour l'autre. Une époque riche en événements internationaux majeurs avec, entre autres, la fondation de l'IHO (International Harmonica Organisation), toujours à l'initiative de Peter Janssen, dont il sera le premier président.
« Back to the past », je vous invite à faire avec moi un retour en arrière à la découverte du parcours de ce « Mondharmonika » si cher à nos amis hollandais.
Le point de départ se situe au début des années 30, en la personne de Max Geldray (1916-2004), Van Gelden pour l'état civil, qui en 1932, alors qu'il n'avait que 16 ans, se vit offrir un harmonica chromatique. Admirateur de Borrah Minevitch il ne va pas tarder à « tomber dans la marmite »... Cela va commencer par la création d'un ensemble, les « Mondharmonika Band», avec Geert Van Driesten, entre autres, suivi du quartet « The Hollander Boys ». Mais dès 1934, il va entamer une carrière de soliste qui ne prendra fin qu'un jour d'automne 2004 à Palm Springs (USA, Californie).
Surnommé, mondialement, et indiscutablement, « The First Harmonica Jazz Player » il va s'affirmer au fil des décennies comme étant un musicien doté d'un « swing » et d'un sens inné de l'improvisation hors du commun; ce qui lui vaudra, globe trotter infatigable, de jouer avec les plus grands : Coleman Hawkins, Jo Bouillon, Ray Ventura, Henri Salvador, Django Reinhardt et le « Hot Club de France », Michel Warlop, Duke Ellington, etc.
A l'initiative de Borrah Minevitch, lors d'une tournée européenne des célèbres «Rascals », il sera soliste occasionnel du quintet «Hotcha Boys», à la fin des années 30.
Au fil du temps, Max Geldray va faire découvrir le pays des tulipes à bon nombre de ceux qui en ignorait l'existence.
Notre globe trotter séjournera une dernière fois en Hollande, en 1995, avant de retourner à Palm Springs, se consacrant à la fin de ses jours à l'harmonica thérapie, intervenant dans l'association « Jazz Without Booze » (jazz sans alcool), ainsi qu'auprès de patients dans une clinique amie. .. et ne ratant jamais l'occasion de prendre part à des « bœufs », ici ou là, dans les cafés concerts de Palm Spring, havre de repos des stars hollywoodiennes.
Vous pouvez vous procurer des enregistrements de Max Geldray, remasterisés sous le label « Frémaux & Associés ». Heureuse initiative qui vous permet d'écouter ce joueur d'exception sous la référence « Harmonica Swing Années 20-30-40-50 » (FNAC).
Et l'aventure va se poursuivre, elle est si bien partie, ce n'est qu'avec le passé que l'on construit l'avenir. Le courant des années 50 va voir émerger la culture du trio traditionnel incluant : solo chromatique, basse et chord. Le trio « Hotcha » (1949-1970), succédant au quintet burlesque du même nom, en est la parfaite illustration. Ce trio reste encore de nos jours une des références mondiales en la matière (*2) ; avec cette particularité batave qui confère au bassiste la position vedette du trio alors qu'habituellement ce rôle est généralement dévolu au soliste. C'est à Geert Van Driesten, bassiste de légende, que revint ce rôle de « tenir la baraque » du trio... brillament assisté par Joop Heijman au chromatique et Jan Vuik aux chord, vinetta et polyphonia. . Quelques changements de partenaires surviendront en cours de l'épopée de cet ensemble, parmi lesquels : Eddie Sernie, Henk van Dipte, Lee Kuipers, Gijs vd Wiel, Wim et Cor Belder, Johan Janssen et quelques autres...
De là naitra une culture basse que l'on retrouve de nos jours dans les prestations des « Fata Morgana » ( http://www.fatamorganamusic.nl ) , avec Ronald Kamminga, ainsi que chez les « Multicats », avec le jeune Luciën Winterberg, fils de Joop chordiste de ce trio, et dans bien d'autres formations allant du trio aux plus grands ensembles.
Geert Van Driesten fut également le fondateur de la première école d'harmonicas de Rotterdam, secondé par son épouse qui dirigea à cette époque un ensemble de 35 harmonicistes dans un répertoire alliant harmonieusement la musique classique aux variétés.
On peut considérer que c'est à cette époque qu'est né cet engouement national pour les orchestres d'harmonicas, ajoutant ainsi un fleuron de plus à l'éventail culturel hollandais.
Dès les années 80, sous l'impulsion de cadres dynamiques tels que Peter Janssen, Frans Bosmans, Meine Segveld, Joop Winterberg et, actuellement, Viola Barends (photo gauche), la vague orchestres ne cessera de prendre de l'ampleur ; avec, il est vrai, l'aide précieuse apportée par la NOVAM.
Je me souviens encore de ce « Veldhoven Festival 2002 » au cours duquel, en tant que membre du jury, il m'a fallu noter12 orchestres de 11 à 30 exécutants (7 hollandais et 5 allemands)... Mai 2010, les 5 orchestres qui se produisirent lors du concours national de ce festival ont recueilli un succès bien mérité, il n'était pas chose aisée de les départager.
Si il me fallait citer les noms d'harmonicistes hollandais qui se sont illustrés au cours des décennies qui nous ont précédés, autres que ceux déjà évoqués plus haut, , je retiendrais, dans un ordre approximativement chronologique ceux de : Lee Kuypers (années 50) concertiste itinérant, notamment en France (Paris salle Pleyel, nombreuses visites au CHARM d'Albert Raisner), « Les Snapshots » (années 50/60), « Larryson's » (idem), Karel Jansen, Larry Robert et son groupe « Chromatika Group Da Capo », Frank Verwey (années 60/70), Rinus Gerristsen (années 70/80), Wim Dijkgraaf... Désolé pour ceux que j'ai peut être oublié.
Enfin de nos jours il faut saluer l'œuvre accomplie par Art Daane archiviste historien de la grande aventure planétaire de la musique à bouche ( http://www.artdaane.nl ) et de surcroît talentueux bassiste. Je tiens aussi à rendre hommage à Rob Janssen, fils de Peter, sous la houlette duquel le trio Fata Morgana s'est assuré une réputation mondiale. Musicien accompli, il joue avec brio de tous les harmonicas inhérents aux ensembles d'harmonicas. Rob est en outre président du jury des championnats du monde. Jury dont j'ai le grand plaisir de faire partie depuis de nombreuses années.
Et que là où il se trouve Max Geldray se rassure, la relève jazz est assurée en la personne d'Hermine Deurloo joueuse de chromatique de grand talent.
Avant de terminer cet article, je tiens à remercier les organisateurs de ce Festival «Veldhoven 2010 » pour le chaleureux accueil qu'ils m'ont réservé... grand Merci à Jack Mikkers, maire de cette dynamique cité.
Jean Labre
(*1) Au programme :
Samedi matin, 8 mai : Concours national ouvert aux orchestres ensembles et solistes (jury : Thierry Crommen, Ronald Kaminga, Jean Labre).
Samedi après midi, ateliers : Thierry Crommen (improvisation chromatique, diato), Ben Bouman, Hollande (effets diatonique/blues, sonorisation), concert Barefoot Lano.
Samedi soir, concert à l'auditorium du centre culturel de Veldhoven.
Programme:
En ouverture du concert : L'orchestre « Veldhoven Mondharmonika Vereniging » sous la direction de Viola Barends, invité soliste Jean Labre, suivi des shows Jean Labre, Thierry Crommen – entracte - le groupe « Blue Kings » (Hollande), Brendan Power et Fata Morgana, en trio.
(*2) Trio Hotcha. 1997, sortie d'un coffret compilation de 100 titres remastérisés en 3 CD, sous le label distributeur «A Brillant Compact Disc » (Hollande), référence ABCD 30091-2. Ce label ayant disparu, il ne vous reste plus que le recours à internet (Amazone, E-Bay, etc), où il vous est également possible d'accéder à des prestations You-Tube de ce trio ainsi que celles de bien d'autres harmonicistes.
& A noter que "Hotcha" signifie rythme en langage latino-américain.
Photos Frans Bosmans / Fata Morgana Paru le 7 juin 2010 |